Comment Facebook a bloqué mon compte pour avoir partagé un article de FranceInfo.fr... avec un sein nu

Facebook réagit cette fois en quelques secondes et bloque un compte. En cause, le partage d'un papier sur une étude IFOP, avec en illustration  une vacancière allongée sur la plage en monokini. Lutter pour la visibilité des femmes dans la sphère publique a toute sa raison d'être.

Société
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Dans cette caniculaire fin d’après-midi de juillet, mon fil d’actualité Facebook, bien guidé par la cookiserie de mes déambulations me propose logiquement le petit dernier de France Info : "le bronzage seins nus n’a plus la cote et ne séduit à peine que 22% des femmes". L’algorithme ne s’est pas trompé, la féministe que je suis clique tout de go.

La tendance topless « opère un sérieux recul selon les résultats l'enquête de l’Ifop ». Le papier confirme que les françaises, les premières à se découvrir sur les plages il y a 50 ans, dans leur majorité renoncent à la pratique du monokini.
Certes, et logiquement, l’une des premières raisons évoquée est le principe de précaution face aux dangers de l’exposition au soleil. Pour autant mes soupçons s’avèrent fondés : les plus jeunes d’entres elles renoncent à cette liberté par crainte. Parce qu’elles sont les premières victimes du harcèlement de rue. Parce qu’elles ont peur « d’attiser le désir des hommes et, pour une majorité d’entre elles d’être l’objet d’agressions physique ou sexuelles ».

Les mots tombent, claquent et me laissent consternée

Y sont évoqués aussi l’influence de la dictature de la perfection des corps , la pudeur et la « socialisation de genre sur ces questions beaucoup plus forte chez les femmes que chez les hommes » selon François Kraus, directeur du pôle actualité de l’Ifop.

l'égalité face à la loi, face aux usages

La sérieuse étude opérée auprès d’un peu plus de 5 000 femmes n’est pas un amoncèlement de poncifs ou une succession d'exagérations. Comme souvent dans ces enquêtes sociologiques, les propos par leur mesure sonnent encore plus fort. Par une porté d’entrée, c’est une photographie de la société. Un faisceau de lumière qui éclaire bien au delà du simple sujet qu’il aborde. Et l’image fait mal à la quinqua qui s’est toujours engagée pour l’obtention de davantage de droits pour les femmes dans un objectif d’égalité face à la loi, face aux usages.

Régression des droits

En l’occurrence, le papier montre une fois encore que si évolution il y a, elle ne va pas dans le bon sens. La régression est patente. Manifeste, quel que soit le cliché pris… La conclusion est similaire. La philosophie universaliste et égalitaire… se heurte à la résurgence des obscurantismes. Les plages ne sont qu’un des reflets des conséquences du recul des libertés des femmes en Occident. Perdu dans ce moment autant philosophique que déprimant, je remercie en mon fort intérieur mes consoeurs et confrères de FranceInfo d’avoir publié cette alerte supplémentaire et décide de partager la photographie instantanée.

1, 2… Je n’attends pas 3 secondes avant de voir apparaitre un message comminatoire comme quoi je viens de publier un contenu contraire aux règles de Facebook. LA sanction tombe : interdite d’usage pendant 24h. Ni partages, ni commentaires. Avant les menaces : si je recommence, je serai bannie !
 
 
 

Punie comme les femmes au corps caché 

Interloquée, puis dubitative… Ennuyée aussi : mon action professionnelle va s'en trouver plus compliquée dans la journée à venir.
Et puis, je comprends tout à coup, c’est l’illustration de nos confrères de France Info ! Une femme allongée, plan large, de trois quart dos, en topless, dont on peine d’ailleurs à percevoir les proéminences mammaires. Un gag ? Non. Il ne s’agit même pas d’une paire de loches bien visibles, d’une avancée balconesque digne de quelques actrices réputées. C’est dans la mesure, tout en pudeur. Tout un symbole en somme. Je suis punie comme ces femmes que l’on stigmatise, dont on sexualise le corps. On décide pour elles, donc pour moi.
 

J’avais bien compris qu’il est dangereux de faire de la publicité à « l’origine du monde » de Gustave Courbet, l’entreprise américaine ayant une approche en délicatesse avec la culture. Mais j’avoue ma faute, ma très grande faute. Ne pas avoir anticipé, ne pas m’être rendu compte que je publiais ce qui est de plus en plus considéré comme du porno.
   

Une attaque à la liberté de s'informer

Une méprise impardonnable ? Que nenni. L’url France Info qui pointe durablement dans le top 2 des plateformes d’information en France est une référence, et les études qualitatives montrent tout le bien qu’en pensent les utilisateurs de ce service public. Aider à la propagation d'un article de France Info c'est aider à distribuer une information vérifiée. Ne pas pouvoir partager un contenu informatif relève d’une atteinte à la liberté de s’informer.
Une faute inexcusable ? Pas non plus. Je me refuse comme d’autres à banaliser l’invisibilité, des femmes et des minorités. La construction de la norme est un travail de tous les instants qui requiert de l’obstination, passe par l’affirmation de soi, et l’acceptation des différences des uns par la sortie des placards des autres.
Une tendance au laxisme de ma part ? Encore non. Je veille autant que je le peux, comme une obsession, à garantir aux autres leurs libertés. Je revendique en retour aussi la préservation des miennes. 

Une rapidité d'intervention (très) variable

Et puis arrêtons ces hypocrisies. La célérité de la firme californienne à intervenir est à géométrie variable. Très, très variable. Mi-mars un terroriste néo-zélandais se sert de sa fonctionnalité de live pour diffuser en direct le massacre de 51 personnes le jour de la prière dans des mosquées. Un carton d’audiences d’autant plus grand que la société fondée par Mark Zuckerberg met un très long moment à interrompre le flux. Des images ultra violentes circulent à foison sur la toile à cette occasion, passant entre les mailles de ses filtres. Il faut même une mobilisation internationale contre la violence en ligne pour que deux mois après les faits Facebook s’interroge sur des actions possibles.

Alors non, montrer les « boobs » de la dame sur la plage n’est ni agressif ni subversif. Dénoncer la socialisation de genre et la sexualisation des femmes dans la sphère publique n’est pas un outrage. M’en empêcher en revanche est une attaque contre mes droits les plus essentiels. Car s’il est un slogan utile à toutes et tous c’est bien « ma liberté préserve la tienne ».
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